Dopage volontaire: « Avec ces produits, on ne ralentit pas», raconte l’un des participants

Guillaume Antonietti a fait partie des cobayes qui ont tenté l’expérience dopage pendant près d’un mois pour une étude scientifique. – Capture d’écran 20 Minutes

Propos recueillis par Nicolas Camus

Il fait partie de ceux qui ont tenté l’expérience. Dimanche, Stade 2 a demandé à huit sportifs français de très bon niveau dans leur discipline de se doper pendant 29 jours consécutifs afin de constater les effets des produits sur les performances. Guillaume Antonietti en était. Ancien triathlète qui court désormais des ultra-trails, ce chef d’entreprise de 40 ans raconte à 20 Minutes pourquoi il a accepté de servir de cobaye et décrit les effets hallucinants que l’absorption de produits a eu sur ses performances.

Pourquoi avoir voulu participer à cette expérience? 

J’étais là pour deux raisons. D’abord pour participer à ce grand chantier qu’est la lutte antidopage. Ça me tenait à cœur car on voit bien qu’il y a une omerta autour de ça et je voulais apporter ma pierre à l’édifice. Et puis personnellement, en tant qu’athlète, c’était une vraie curiosité de voir les effets que le dopage pouvait avoir.

Sur ce point vous n’avez pas été déçu, apparemment…

Plus que ça même! J’ai été fortement surpris, les produits ont eu un effet monstrueux sur moi, en termes de performances et dans la vie de tous les jours. Les hormones de croissance m’ont rendu très agressif. Je n’étais pas non plus devenu une bête féroce mais je sentais bien que j’étais sous tension en permanence. Et puis au niveau sportif j’avais une caisse de folie. En ce moment je suis en train de préparer ma saison – je fais des trails de 50 à 100 km – et je n’arrive pas à passer les séances que je faisais sous dopage, alors qu’à l’époque j’étais en toute fin de saison. Ceux qui font de la course comprendront : j’enchaînais 4 fois 4.000 m en 16′, là j’arrive à faire 3 fois 3.000 en 12’20. Je n’arriverai jamais à atteindre ce niveau de performance, même au terme de ma préparation. Ce n’est pas possible.

Quels produits avez-vous pris?

On a pris EPO et hormones de croissance deux fois par semaine pendant trois semaines, ensuite des corticoïdes sur la fin du protocole, c’est-à-dire des anti-inflammatoires qui permettaient de masquer la douleur pour le deuxième test. Et puis le matin avant la dernière épreuve, on s’est fait réinjecter notre sang, en autotransfusion. L’attirail complet quoi.

A quelles doses?

Je ne suis pas spécialiste, mais d’après les médecins qui nous suivaient c’était des doses de 4 à 10 fois inférieures à celles que s’injectent les sportifs dopés. Ou en tout cas inférieures au seuil détectable. On n’a jamais été contrôlés positifs, et c’est d’ailleurs le principal intérêt du documentaire. Le but n’est pas de dire «regardez, en se dopant on est meilleur», ça tout le monde le sait. Non, c’est de dire «regardez, on est meilleur, et on ne s’est pas fait choper au contrôle antidopage». Il faut que les instances qui s’occupent des programmes antidopage arrêtent de se cacher derrière leur passeport biologique pour dire que tout va bien. Parce que nous, au niveau du passeport biologique, on était parfaitement dans les clous.

Ne pas se faire prendre malgré les doses injectées, cela vous a surpris?

Non, parce que le chercheur a tout fait pour nous injecter des doses non détectables, pour prouver qu’on pouvait le faire. Le fait de passer sous les radars des contrôles était prévu. Ce qui ne l’était pas en revanche c’est que ça ait un effet aussi puissant sur les performances. Ça a vraiment été incroyable. Pour passer de 11’10 à 10’30 sur un 3.000 en trois semaines, comme ça a été le cas pour moi, ça prend des années normalement. Le dopage ne permet pas d’aller plus vite mais il vous évite de ralentir. C’est comme ça que je l’ai ressenti. Dans la vraie vie, quand on commence à avoir mal au cours d’un effort, tout doucement on ralentit. Avec ces produits, on ne ralentit pas. Normalement, quand on prend un mur sur un marathon, on tombe par terre. Là on tape le mur, et on tape et on tape et on tape. On se relève toujours.

Vous aviez la sensation d’être inarrêtable?

Oui voilà, comme si on pouvait courir deux jours d’affilée.

Vous avez pu chiffrer l’augmentation de vos performances?

En moyenne, elles ont augmenté d’environ 4%. C’est énorme, cela permet, par exemple sur un contre-la-montre de championnat du monde cycliste, de passer de la 22e à la 1ère place. Moi je faisais partie de ceux pour qui l’augmentation a été la plus forte. Sur des tests de VMA, je suis passé de 420 à 440 watts sur le vélo. Ça commence à faire beaucoup!

Cela n’a pas été trop dur de reprendre l’entraînement «normal» après ça?

Non, au contraire, parce que moi j’avais envie de retrouver mes sensations. Le seul intérêt que j’ai trouvé est le fait de pouvoir enchaîner les séances. Moi j’adore aller m’entraîner, et dans la vraie vie parfois j’ai des coups de moins bien, je n’ai pas envie de sortir, je suis fatigué. Et là tous les jours je pouvais y aller. J’ai vraiment apprécié ça.

Qu’est-ce que vous en gardez de cette expérience?

Je me dis que même si c’était autorisé, je ne me doperais pas. On perd pied sur ses sensations de sportif. La question autour de ça est: pourquoi on fait du sport. Si c’est pour la recherche du dépassement de soi, du plaisir, le dopage n’a rien à faire là. Par contre si c’est pour battre son copain et gagner de l’argent, là oui. En termes de sensations, c’était une très mauvaise expérience. J’ai eu l’impression quand j’ai fait mon 3.000 m sur piste dopé de courir sur un tapis roulant, où mes pieds allaient plus vite que ma tête. Cette impression d’être dépossédé de ses sensations est très désagréable.

http://www.20minutes.fr/sport/1601127-20150504-dopage-volontaire-produits-ralentit-raconte-participants

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